Compléments alimentaires et Covid-19

Lundi 4 mai 2020 

Compléments alimentaires et Covid-19 : Synadiet répond à vos questions 

Il est avant tout nécessaire de rappeler que les compléments alimentaires sont destinés à maintenir une santé optimale chez un individu sain. Leurs effets sont nutritionnels
(essentiellement combler des carences) ou physiologiques (permettant de rétablir un déséquilibre physiologique) permettent ainsi au corps un fonctionnement et des processus optimaux.

Les compléments alimentaires peuvent ainsi avoir des effets intéressants sur l’immunité en optimisant la réponse immunitaire naturelle. C’est notamment le cas de la vitamine D, des probiotiques ou des produits de la ruche. 
Un grand nombre de plantes utilisées dans les compléments alimentaires ont également des propriétés qui permettent de stimuler les défenses naturelles. Certaines de ces plantes ont fait l’objet d’un avis de l’Anses , dans lequel les experts s’appuient sur les données essentiellement expérimentales existantes permettant de soutenir les propriétés citées. Dans cet avis, l’Anses recommande aux personnes présentant les symptômes du Covid-19 de ne pas consommer ces plantes dans la mesure où ces dernières possèderaient des propriétés anti-inflammatoires ou immunomodulatrices susceptibles d’influencer la réponse immunitaire. Cet avis intervient alors que les autorités sanitaires ont proscrit l’utilisation de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez des patients atteints ou suspectés d’être atteints de COVID-19, en raison de la survenue d’« événements indésirables graves » consécutifs à la prise de ces médicaments. 

Il nous a toutefois paru nécessaire d’apporter certains éclaircissements sur les conclusions de cet avis et sa reprise dans certains médias. 
Le Dr Jean-Michel MOREL, et le Dr Jacques Fleurentin répondent à nos questions : 

Pourquoi cet avis de l’ANSES* ? 


Dr Morel : Une recommandation de l’ANSM2 datée du 18/04/2019 précisait déjà qu’il faut éviter les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) tels que l’ibuprofène et le kétoprofène en cas de fièvre ou d’infection même bénigne (virale ou bactérienne), en raison d’un risque de complications infectieuses graves. 
La maladie COVID-19 met le projecteur sur ce problème, car de très nombreux patients sont concernés en même temps, et la pharmacovigilance a été alertée. 
En revanche, à ce jour aucun cas n’aurait été signalé avec des plantes. 

* Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail 2 Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé 
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Certaines plantes qui entrent dans la composition de compléments alimentaires ont démontré posséder des propriétés anti-inflammatoires ou immunomodulatrices, mais les mécanismes d’action impliqués sont différents de ceux des AINS. Pouvez-vous nous expliquer brièvement en quoi ces actions ne sont pas comparables ? 


Dr Morel : Le mode d'action d'un extrait de plantes n'est pas le même que celui d'une molécule isolée. 
1) La teneur en un principe actif dans une synergie moléculaire est en général très faible en comparaison de celle d'un médicament monomoléculaire. Par exemple, si on prend l’hypothèse d’une teneur en dérivés salicylés de 3 à 4 % dans la reine des prés, sous forme d’hétérosides, et sachant que 1 ml de salicylate de méthyle pur équivaut à 1,4 g d'acide acétylsalicylique, la quantité d’aspirine dans une tisane est très inférieure à celle correspondant à un dosage nourrisson... 
2) Un extrait de plante médicinale est un exemple typique de structure complexe en biologie. On découvre que les complexes moléculaires végétaux agissent en réseau, ainsi les anti-inflammatoires végétaux contenant des dérivés salicylés induiraient une activation simultanée de cytokines pro- et anti-inflammatoires, ce qui pourrait moduler la réactivité immunologique cellulaire3. 
Les phytocomplexes et leurs propriétés multicibles sont parfaitement adaptés à la prévention, au traitement des maladies multifactorielles et à l’individualisation de la thérapeutique. Soigner un individu n’est pas que rechercher une molécule qui se fixe sur un récepteur. Cette approche semble être plus prometteuse que celle privilégiant une cible unique, en modulant par exemple les réseaux complexes de cytokines pro-inflammatoires. La recherche a introduit depuis quelques années des technologies novatrices de « méta-omique », utilisant des modélisations informatiques et les méthodes du « big data », qui permettent d’appréhender dans leur globalité des systèmes biologiques complexes et dynamiques. La phytogénomique et la transcriptomique, la protéomique et la métabolomique, permettent de comprendre de mieux en mieux les effets de mélanges complexes de molécules et leurs propriétés cohérentes d’adaptation à une situation pathologique spécifique4. 
C’est toute la problématique du « totum » qui est en question. Les phytothérapeutes mettent en avant depuis toujours cette supériorité des extraits végétaux totaux fonctionnant en synergie, qui bénéficient en outre d’un excellent rapport efficacité/tolérance5. 




3 Ulrich-Merzenich G, Hartbrod
 F, Kelber O, Müller J, Koptina A, Zeitler H. Salicylate-based phytopharmaceuticals induce adaptive cytokine and chemokine network responses in human fibroblast cultures. Phytomedicine. 2017 Oct 15;34:202-211. doi: 10.1016/j.phymed.2017.08.002. PMID 28899503
4 H. Wagner, H.D. Allesscher (Eds.), Multitarget Therapy - the Future of Treatment for More than Just Functional Dyspepsia. Phytomedicine, vol 13 (2006), pp. 122-129
G. Ulrich-Merzenich, D. Panek, H. Zeitler, H. Wagner, H. Vetter. New perspectives for synergy research with the “omic”-technologies. Phytomedicine, Volume 16, Issues 6–7, 2009, Pages 495-508, https://doi.org/10.1016/j.phymed.2009.04.001.
Gertsch, J. (2011). Botanical drugs, synergy, and network pharmacology: forth and back to intelligent mixtures. Planta medica, 77(11), 1086-1098.
5 Wagner H, Ulrich-Merzenich G. Synergy research: approaching a new generation of phytopharmaceuticals. Phytomedicine. 2009 Mar;16(2-3):97-110. doi: 10.1016/j.phymed.2008.12.018. PMID 19211237 
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Parmi les plantes citées dans l’avis on trouve le saule, la reine des prés, l’harpagophytum, le curcuma, l’échinacée, le bouleau, le peuplier, la réglisse, la griffe du chat, le boswelia ... Toutes ces plantes sont-elles équivalentes en termes d’effets et/ou de précautions d’emploi ? 

Dr Morel: En réalité, la liste est plus longue! voir le document de 51 pages de l’ANSES: https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2020SA0045.pdf 
Les plantes citées ont toutes des effets différents. On peut remarquer que : 
1) L’ANSES s’est autosaisie de la problématique liée aux AINS dans le COVID-19, en extrapolant leurs effets indésirables à ceux des anti-inflammatoires végétaux, ce qui est très loin d’être le cas. 
2) L’ANSES reconnaît néanmoins leurs propriétés sur le plan anti-inflammatoire. C’est un peu surprenant car elles ne correspondent pas aux allégations acceptées pour ce type de produits. Cela semblerait du champ de compétences de l’ANSM, plus que de celui de l’ANSES. 
3) L’ANSES a étendu sa mise en garde, dans ce long document, aux immunomodulants, car l’aggravation possible du COVID-19 sous la forme d’un «cytokine storm» (c’est-à-dire d’une amplification incontrôlée des réactions immunitaires) est mal connue dans sa pathogénie. Il est dommage que le principe de précaution s’applique de façon aussi drastique, une recherche clinique appliquée pourrait être utile. On sait par exemple que certaines plantes sont testées en Médecine Traditionnelle Chinoise dans le cadre du COVID-196. 
4) Il faut bien préciser qu’il s’agit d’éviter la prise de certaines de ces plantes anti-inflammatoires ou immunomodulantes au début de la maladie, en appliquant un principe de précaution. Cela ne semble pas contraignant, c’est une mise en garde, une recommandation. 
5) L’automédication n’est pas conseillée. 

Leur consommation est-elle sûre ? 

Dr Fleurentin : Ces plantes ont un grand recul d’utilisation et ont fait la preuve de leur sécurité sur la population générale. Il n’y a donc pas de crainte à avoir, dans le cadre d’une utilisation prudente et aux dosages préconisés. 
Néanmoins, en cette période épidémique, une vigilance accrue s’impose. En effet, en l’absence de recul sur les mécanismes d’action du virus, il est préférable de rester prudent. 


6 Jin, Y., Cai, L., Cheng, Z. et al. A rapid advice guideline for the diagnosis and treatment of 2019 novel coronavirus (2019-nCoV) infected pneumonia (standard version). Military Med Res 7, 4 (2020). https://doi.org/10.1186/s40779-020-0233-6
Yang Y, Islam MS, Wang J, Li Y, Chen X. Traditional Chinese Medicine in the Treatment of Patients Infected with 2019-New Coronavirus (SARS-CoV-2): A Review and Perspective. Int J Biol Sci. 2020 Mar 15;16(10):1708-1717. doi: 10.7150/ijbs.45538. eCollection 2020. PMID 32226288 
Yan Chen, Jeff J. Guo, Daniel P Healy, Siyan Zhan. Effect of integrated traditional Chinese medicine and western medicine on the treatment of severe acute respiratory syndrome: A meta-analysis. Pharm Pract (Granada). 2007 Jan-Mar; 5(1): 1–9. PMID 25214911 
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Par souci de précaution, si vous présentez des symptômes qui s’apparentent à ceux du Covid-19 (fièvre, difficultés respiratoires, perte du gout ou de l’odorat ...), il est conseillé d’arrêter la prise de compléments alimentaires ou de médicaments contenant ces plantes. 
Par ailleurs, si vous consommez ces plantes dans le contexte de pathologies inflammatoires chroniques, il est conseillé de prendre l’avis d’un professionnel de santé. 

Les consommateurs peuvent-ils continuer à consommer d’autres compléments alimentaires et produits de santé naturels ? 

Dr Fleurentin : Oui. Les cures en cours peuvent être maintenues, mais l’ANSES conseille d’en parler au médecin référent en cas d’apparition de symptômes du Covid 19. 
Quelques conseils de bon sens s’imposent : 
  • Lire attentivement l’étiquetage des compléments alimentaires. Celui-ci indique les précautions d’emploi, les doses préconisées et les conditions d’utilisation. Ces dernières doivent donc être respectées.
  • Ne pas consommer trop de compléments alimentaires en même temps. La multiplication des cures concomitantes, notamment contenant les mêmes actifs, peut entrainer des surdosages. Il est souvent conseillé de faire des cures entrecoupées de périodes d’arrêt.
  • Pour les femmes enceintes et les personnes suivant un traitement médicamenteux, demandez l’avis d’un professionnel de santé avant de consommer des compléments alimentaires. 
  • En cas de doute, demander l’avis d’un professionnel de santé.

Lorsque les recommandations et/ou conseils sont respectés, les consommateurs peuvent- ils prendre des compléments alimentaires afin de renforcer leur système immunitaire ? 

Dr Fleurentin: Certains actifs composant les compléments alimentaires peuvent renforcer le système immunitaire, comme le font certaines plantes. D’autres actifs le renforcent également sans pour autant le dire explicitement, c’est le cas des vitamines D et C, des produits de la ruche, des oméga 3 ou des probiotiques.
Cependant, attention, les compléments alimentaires ne préviennent pas l’apparition du Covid-19 et ne sont pas destinés à traiter cette maladie. Il ne s’agit ni de médicaments ni de produits magiques. 

Un mot pour conclure ?

Dr Morel : Prenez vos compléments si vous n’êtes pas malade. Si, malgré tout, vous tombez malade, arrêtez-les. 

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Dr Fleurentin : La recommandation de l’ANSES de cesser la prise en préventif de compléments alimentaires à base de plantes à effets anti-inflammatoire ou immunomodulateur concerne des personnes ayant des symptômes qui s’apparentent à ceux du covid-19. 
Dr Jean-Michel Morel 
Médecin généraliste phytothérapeute, Président du Syndicat National de la Phyto-Aromathérapie (SNPA) 

Dr Jacques Fleurentin
Société Française d’Ethnopharmacologie, université de Metz 

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